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Mathilde Ollivier, quand la « génération climat » veut rentrer au Sénat

La jeune femme est candidate aux élections sénatoriales, à la tête d’une liste soutenue par Europe Écologie – Les Verts.

À 29 ans, la candidate écologiste pourrait devenir la plus jeune membre du Sénat. Dégoûtée de « l’inaction climatique » du gouvernement, elle souhaite porter haut la voix des jeunes et les enjeux climatiques.

Le 24 septembre, la moitié des sièges du Sénat sera renouvelée. Reporterre a consacré hier un portrait à Joël Labbé, sénateur rock and roll. Rencontre aujourd’hui avec la candidate Mathilde Ollivier, qui pourrait devenir la plus jeune membre de cette assemblée.


De prime abord, on pourrait se demander ce qu’elle est venue faire dans cette galère. À 29 ans, Mathilde Ollivier n’a pas exactement le profil type des sénateurs — le palais du Luxembourg est composé en majorité d’hommes et la moyenne d’âge est de 60 ans. Mais elle l’affirme d’emblée : « Il y a une importance à porter notre voix partout, et à considérer qu’en tant que jeune, que jeune femme, on a la légitimité à être présente dans toutes nos institutions. Des institutions qui ont aussi besoin de ce renouvellement. » C’est dit.

La jeune femme a donc accepté d’être candidate aux élections sénatoriales, à la tête d’une liste soutenue par Europe Écologie – Les Verts. Sa circonscription ? Celle (peu connue) des Français établis à l’étranger. Elle-même vit à Vienne, en Autriche, depuis 2019. Au cas où, on a regardé le prix d’un billet de train de nuit, rêvant que cette interview puisse être le prétexte d’une virée en Autriche. Verdict : plus de 300 euros, rien que pour l’aller. Bon, on se contentera d’un entretien en visio.

« Les Français habitant à l’étranger sont les premiers témoins des dérèglements climatiques », assure la candidate. Ici, le typhon Doksuri, au large des Philippines, juillet 2023. CC BY-SA 4.0 / AHI imagery from JMA’s Himawari 8 Satellite via Wikimedia Commons

Sur notre écran, Mathilde Ollivier est intarissable sur « les problématiques » des Français « expatriés ». Il faut dire que c’est son rôle depuis plus de deux ans : en 2021, elle a été élue conseillère des Français de l’étranger. La fonction peut paraître obscure – « c’est un peu complexe à comprendre pour les citoyens » reconnaît-elle – mais qui consiste à représenter auprès des conseils consulaires les intérêts de ces 1,6 million de Français. En outre, Mathilde Ollivier fait partie de l’Assemblée des Français de l’étranger, qui se réunit plusieurs fois par an.

« Les Français habitant à l’étranger sont les premiers témoins des dérèglements climatiques », répète-t-elle. Elle cite « les inondations sans précédent en Slovénie », « les feux de forêt au Canada » ou encore « les précipitations énormes à Hong Kong ». D’où sa volonté de créer un fonds d’urgence climatique à destination de ces Français.

Le reste de ses propositions fuse : établir un plan de rénovation des ambassades, des consulats et des lycées français ; réduire l’empreinte carbone du ministère des Affaires étrangères, en poussant par exemple pour que les diplomates se déplacent en train plutôt qu’en avion ; suivre les activités des entreprises françaises à l’étranger « pour éviter les écocides »… Mathilde Ollivier ne manque pas d’idées pour mettre les enjeux de climat et de la biodiversité au cœur de sa circonscription et du scrutin.

« On a besoin de changer de modèle »

Elle raconte avoir « une conscience écolo depuis longtemps », liée notamment à son enfance passée en Bretagne. Un de ses souvenirs marquants ? La marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Erika, en 1999. Elle n’avait que cinq ans. Elle se remémore avec précision « la population bretonne mobilisée pour le sauvetage des oiseaux » mazoutés. C’est quasiment vingt ans plus tard, au moment des marches pour le climat en 2018, qu’elle a eu le déclic pour « passer le pas de l’engagement ».

Elle s’est alors demandé quel échelon serait le plus approprié. L’associatif ? La politique ? Après des études passées entre les bancs de Sciences Po Lille et de l’université de Münster (Allemagne), la deuxième option lui a paru plus pertinente. Dégoûtée de « l’inaction climatique » d’Emmanuel Macron, elle a pris sa carte chez Europe Écologie – Les Verts. « On a besoin de changer de modèle pour que notre génération puisse avoir un avenir souhaitable, voire un avenir tout court, insiste-t-elle. Or le gouvernement ne veut rien changer, il se cache derrière les chimères de la croissance verte. »

« Le gouvernement se cache derrière les chimères de la croissance verte »

« Mathilde fait partie de la génération qui s’est engagée avec les marches climat, et qui n’a pas eu les changements qu’elle demandait, estime Mélanie Vogel, sénatrice écologiste de la circonscription des Français établis à l’étranger. C’est un signal fort de montrer que la génération climat peut prendre les rênes. Que, maintenant, elle se présente aux élections. »

Union de la gauche compliquée

Sur le reste, Mathilde Ollivier se dévoile peu. Pas l’habitude. Tout juste lâche-t-elle qu’elle est venue habiter à Vienne « pour des raisons personnelles, familiales disons ». On n’en saura pas plus. Un père informaticien, une mère psychologue scolaire, une petite sœur engagée pour les droits des femmes. Un boulot pour une société scientifique médicale, dans le domaine de la gastro-entérologie. « Je les représente en affaires publiques européennes », détaille-t-elle. Ni une, ni deux, elle reprend le fil : « Il y a plein de lien avec les problématiques écologiques. Quand on parle de maladies digestives, on parle de ce qu’on mange, de comment on se nourrit, comment on consomme. Et les inégalités sociales ont un lien fort avec notre santé. »

Nous revoilà remis sur les rails de la campagne. Plutôt que de parler d’elle, Mathilde Ollivier préfère dérouler son programme. Son entourage politique salue justement son « intelligence » et son « travail ». « J’ai vu comment elle fait campagne, c’est rigoureux », affirme le sénateur socialiste sortant Jean-Yves Leconte. Fait étonnant : l’homme se représente, mais… sur la liste d’Europe Écologie – Les Verts, en deuxième position. « On a besoin de faire l’union à gauche, affirme M. Leconte. Compte tenu du rapport de force [lors des précédentes sénatoriales, les écologistes ont reçu de nombreuses voix, menant à l’élection de Mélanie Vogel en 2021], il fallait que les écologistes soient en position éligible. J’ai donc choisi de me représenter, mais en laissant la tête de liste à Mathilde Ollivier. »

« La génération climat peut prendre les rênes »

Le Parti socialiste en a décidé autrement : il a investi Hélène Conway-Mouret, une autre sénatrice sortante, à la tête de sa propre liste. De son côté, La France insoumise a déposé la candidature de Christine Tuaillon, professeure d’université à New York. Autant dire qu’à l’étranger comme en France, l’union de la gauche est délicate.

Si Mathilde Ollivier était élue le 24 septembre, elle serait la plus jeune membre du Sénat – le titre est actuellement détenu par le socialiste Rémi Cardon, né en 1994 comme la candidate écologiste. « Il y a une histoire de représentation. Ça envoie le message à la jeunesse que c’est possible d’être élu, même dans la chambre la plus âgée de nos institutions », croit Mélanie Vogel. Plus encore, la sénatrice pense que les profils différents sont une richesse pour la politique. « On ne voit pas le monde de la même manière, et on ne fait pas la loi de la même manière selon qu’on est Mathilde Ollivier ou Bruno Retailleau [le président du groupe Les Républicains au Sénat], poursuit-elle en souriant. Elle va nous apporter des sujets, des manières de faire, qui vont rafraîchir. »

Cortège festif lors de la manifestation contre la réforme des retraites, à Paris. « La culture est un levier très important pour rendre le plus de monde possible conscient des enjeux climatiques », dit-elle. © NnoMan Cadoret / Reporterre

Avant de raccrocher, Mathilde Ollivier nous glisse justement être engagée dans la scène de la musique électronique, en Autriche et en Allemagne. « C’est une scène très importante, qui localement est très engagée sur les sujets féministes, développe-t-elle. Je pense que la culture est un levier très important pour rendre le plus de monde possible conscient des enjeux climatiques. » La preuve avec les « raves pour le climat » organisées à Vienne, ou les « techno-manifs » françaises, pendant la lutte contre la réforme des retraites. De là à amener de la musique électronique au Sénat ? Mathilde Ollivier s’esclaffe. « On verra ! Je pense qu’il y a encore un long chemin à parcourir. »

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