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Mégabassines et OGM, des arnaques face à la sécheresse

La mobilisation à Sainte-Soline d'octobre 2022 a permis aux Français de connaître les problématiques liées aux mégabassines.

Alors qu’une manifestation contre les mégabassines aura lieu les 25 et 26 mars, l’auteur de cette tribune rappelle que ces ouvrages de stockage d’eau, comme les nouveaux OGM, ne sont pas une solution à la sécheresse.

Claude Gruffat est député européen (Verts/ALE).



D’ordinaire, le mois de mars rime avec giboulées. Mais les saisons ont déraillé et la sécheresse s’est déjà invitée dans quinze départements français. Pour y pallier, le gouvernement a tout misé sur la solution arnaque-miracle : les mégabassines. Ces cratères d’une superficie de 8 à 10 hectares et profonds de 10 à 15 mètres viennent pomper dans l’antre de la Terre pour stocker de l’eau en plein air, la soumettant à l’évaporation, à la pollution et à l’eutrophisation.

Quantité diminuée et qualité détériorée, ces ouvrages dérèglent le cycle de l’eau local et global. Le gouvernement les adoube, malgré tout, du bout de son épée aiguisée, ignorant l’avis de la population locale et méprisant les recommandations scientifiques dans le domaine. Il les subventionne à hauteur de 70 % avec des deniers publics, alors que l’agriculture irriguée représente seulement 7,3 % de la surface agricole utilisée en France. Cette irrigation est majoritairement destinée à produire du maïs pour l’alimentation animale et l’exportation.

Nous sommes loin, très loin, de l’argumentaire avancé par le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Marc Fesneau, qui aime à répéter que, sans irrigation, il n’y a pas d’agriculture, et que notre souveraineté alimentaire serait menacée sans ces trous béants.

Le 14 mars, le collectif Bassines non merci réaffirmait sa détermination à lutter pour un juste partage de l’eau. Twitter/Bassines non merci

Les nouveaux OGM, un danger pour la biodiversité

Notre gouvernement technosolutionniste, inféodé à l’agro-industrie, se vautre dans la gabegie au motif d’aider nos agriculteurs et agricultrices à faire face aux sécheresses. En fait, il ne fait que maintenir quelques privilèges au détriment d’un changement radical vers un modèle agricole et alimentaire résilient. Les paysans et paysannes qui entretiennent réellement les paysages, tentent de restaurer les milieux naturels et d’adapter leurs cultures aux sécheresses ne récoltent que les miettes des aides publiques.

La crise actuelle de l’agriculture biologique le démontre, le gouvernement a débloqué seulement 10 millions d’euros, soit 166 euros par ferme, toutes filières confondues. À comparer avec le plan de sauvegarde de 270 millions d’euros octroyé l’an dernier à l’unique filière porc conventionnelle, du fait de la crise de la demande à l’export, avec une aide directe versée en soutien à la trésorerie des exploitations porcines qui a atteint 15 000 euros… La transition agroécologique est encore loin.

Le 29 octobre dernier a eu lieu à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) la première grande manifestation contre les mégabassines. Twitter/BassinesNonMerci

Pour pallier la sécheresse, la Commission européenne mise tout, elle aussi, sur la technique, et notamment sur une nouvelle génération d’OGM, les NBT (« New Breeding Technologies » ou « nouvelle technique d’édition du génome », en français). Ces OGM bariolés sont le résultat d’une modification du génome d’un être vivant (végétal ou animal), sans introduction de gène étranger, contrairement aux OGM classiques. Poussée par les semenciers, avec l’appui du gouvernement français et du ministre Marc Fesneau, la Commission européenne s’est exprimée en faveur de la déréglementation, pour permettre leur commercialisation. Elle sortira sa proposition législative au mois de juin prochain.

En face la mobilisation s’organise, les actions se multiplient et une pétition signée par 420 000 citoyens et citoyennes de toute l’Union européenne s’oppose à cette dérégulation. L’argument récurrent qui justifie l’ouverture de cette boîte de Pandore est que les NBT permettront de lutter contre les conséquences du dérèglement climatique, et notamment le stress hydrique. L’agro-industrie avançait déjà ces arguments avec les « anciens » OGM, il n’en a rien été.

Du fait des hauts risques de dissémination dans l’environnement, ces biotechnologies peuvent avoir des impacts incommensurables sur la biodiversité, et accélérer son déclin. Le principe de précaution doit être respecté. De plus, ces NBT accroîtront la mainmise des semenciers et des vendeurs de pesticides sur les agriculteurs et les agricultrices. La souveraineté alimentaire doit primer.

Dire non au déni climatique gouvernemental

Au lieu d’interroger notre modèle agricole mortifère perfusé à l’argent public et dévastateur pour l’environnement, les gouvernements français et européen sombrent dans un déni climatique ahurissant en donnant les pleins pouvoirs à l’agro-industrie. Que ce soit les bassines ou les NBT, il n’y a aucune considération de l’écosystème dans son ensemble et des interdépendances des milieux entre eux. Appliquer à large échelle les principes de l’agroécologie et de l’agroforesterie permettrait pourtant à l’eau d’être stockée dans les sols.

Associations d’espèces, intercultures, mélanges variétaux, couverts végétaux... avant de privatiser l’eau pour quelques agriculteurs et trafiquer le génome du monde animal et végétal, il conviendrait de revenir aux bases de l’agronomie, et de soutenir les paysans et paysannes qui appliquent déjà ces principes. Aucune solution technique ne permettra de lutter contre la sécheresse comme les outils mis à disposition par la nature.

Ce week-end, une vague de militants et militantes écologistes va déferler dans le Poitou pour lutter contre le gigantisme et l’ineptie que représentent ces bassines. Mobilisons-nous avec eux pour dénoncer l’accaparement de l’eau et du vivant par une minorité. Soyons une marée humaine contre la répression, un vent de liberté contre l’interdiction de la manifestation. Ce week-end, soyons tous et toutes dans le Poitou contre cet État-voyou !

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