Média indépendant, en accès libre pour tous, sans publicité, financé par les dons de ses lecteurs

Animaux

Oiseaux : l’autorisation des chasses traditionnelles de nouveau annulée

Une Alouette des champs (Alauda arvensis), en Écosse.

Lundi 25 octobre, le Conseil d’État a annulé les arrêtés de Barbara Pompili autorisant certaines chasses dites « traditionnelles ». Dans cet article mis à jour, nous expliquons comment le gouvernement s’obstine à vouloir réautoriser le piégeage de plus de 110 000 oiseaux sauvages.

  • Actualisation — Mardi 26 octobre 2021 — Les arrêtés que vous signalait l’article ci-dessous ont bien été signés par la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, le 12 octobre dernier. Ils autorisaient à nouveau les chasses traditionnelles aux alouettes des champs, vanneaux huppés, pluviers dorés, grives et merles noirs. Ils ont été aussitôt contestés devant le Conseil d’État par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et l’association One Voice. Sans surprise, lundi 25 octobre, le Conseil d’État a une nouvelle fois donné raison aux associations, avec les mêmes arguments qu’en août dernier, quand il avait annulé les arrêtés des années précédentes : ils ne sont pas conformes à la directive oiseaux de l’Union européenne. Les chasses traditionnelles visées, qui avaient pu recommencer le samedi 16 octobre, ont donc dû s’arrêter le lundi 25 octobre. Le juge a suspendu les arrêtés en urgence, et statuera sur le fond dans les « prochains mois ». « À 6 mois de l’élection présidentielle, il est plus que temps que le gouvernement soit à la hauteur de ses prétentions en matière de biodiversité », a commenté Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO.
  • Source : Reporterre

  • Article du 17 septembre 2021

Macron s’attaque de nouveau aux oiseaux menacés

En août, le Conseil d’État interdisait certaines méthodes de chasse traditionnelle, non conformes au droit européen. Mais le gouvernement s’obstine à vouloir réautoriser le piégeage de plus de 110 000 oiseaux sauvages.

Quelques jours après le Congrès mondial de la nature durant lequel Emmanuel Macron a proclamé son engagement pour la biodiversité, le gouvernement veut relancer la chasse d’espèces menacées. Le ministère de la Transition écologique a en effet mis en consultation publique, mercredi 15 septembre, quatre arrêtés relatifs au retour de pratiques dites « traditionnelles ». Et ce, malgré une décision du Conseil d’État qui a confirmé leur illégalité le 6 août dernier.

Au programme, l’autorisation du piégeage de 106 500 alouettes des champs aux pantes (filets horizontaux) et matoles (cages tombantes) dans quatre départements du Sud-Ouest : les Landes, la Gironde, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Atlantiques. À cette liste s’ajoutent 1 200 vanneaux huppés, 30 pluviers dorés, 5 800 grives et merles à l’aide de filets rabattants ou de lacets à nœud coulissant (tenderie des Ardennes). « On ne peut pas accepter la non-sélectivité des méthodes de chasse. Les lacets dans les Ardennes ne sont pas sélectifs, les matoles et filets peuvent aussi piéger d’autres espèces… », dit à Reporterre le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Allain Bougrain-Dubourg. Cette non-sélectivité est un des arguments sur lequel le Conseil d’État s’est fondé pour prendre sa décision contre ces méthodes de chasse, en application de la directive européenne « oiseaux » de 2009.

En France, l’alouette des champs est une espèce en déclin continuel avec une chute de 35 % de ses effectifs reproducteurs ces quinze dernières années. Le vanneau huppé, lui, est classé « quasi menacé » sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine.

Emmanuel Macron au Congrès mondial de la nature, le 3 septembre. Twitter / Sébastien Barles

Prochaine étape : les consultations publiques — les projets d’arrêtés y étant systématiquement soumis. « Mais les résultats sont le plus souvent méprisés », dit Allain Bougrain-Dubourg. En tous cas, si lesdits arrêtés sont signés, « la LPO demandera leur suspension immédiate devant le Conseil d’État ».

Du côté officiel, un conseiller de la ministre de la Transition écologique explique : « Dans un cadre électoral, où certains candidats sont favorables à la chasse, ces consultations permettront de sortir par le haut du débat sur les chasses traditionnelles, car le juge aura tous les éléments pour se prononcer définitivement sur la conformité des arrêtés avec la directive “oiseaux” ».

Selon Yves Verilhac, directeur général de la LPO et membre du conseil d’administration de l’Office français de la biodiversité, « Emmanuel Macron lance ces consultations maintenant car même si ces arrêtés sont signés, les recours de la LPO pour les faire interdire prendront du temps, et ne seront jugés qu’après les élections présidentielles ». Il s’agit donc d’une manoeuvre électorale pour séduire les chasseurs.

Le gouvernement invoque « la compatibilité avec les recettes de cuisine devant être exemptes de plomb »

Pour faire fi de la décision estivale du Conseil d’État et demander une dérogation, le gouvernement explique le texte des arrêtés mis en consultation « qu’il y a une absence d’alternative satisfaisante à ces pratiques traditionnelles ; qu’elles sont sélectives ; contrôlées ; qu’elles ne concernent que de petites quantités d’oiseaux ; et enfin qu’elles constituent une exploitation judicieuse au sens de la directive “oiseaux” ». Le document assure que « l’élevage n’est pas une alternative à ces pratiques », avance « la dimension ethnosociologique », « l’identité culturelle de la chasse traditionnelle », et ... « la compatibilité avec les recettes de cuisine devant être exemptes de plomb » !

Le vanneau huppé est classé « quasi-menacé » sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine. Flickr / CC BY-NC 2.0 / Frans Vandewalle

En attendant, les chasseurs organisent des manifestations depuis début août et jusqu’au 18 septembre pour « défendre la ruralité » et contester la décision du Conseil d’État. La Fédération nationale des chasseurs (FNC) demande même la démission de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. En cause : son « manque de neutralité ». La ministre n’avait pas caché sa satisfaction de la décision du Conseil d’État d’interdire la chasse à la glu au mois de juin, la considérant comme « une avancée pour la biodiversité ».


« IL Y A 20 À 40 000 CHASSEURS EN MOINS CHAQUE ANNÉE »

Il y a quelques jours, « les défenseurs de la ruralité » annonçaient une hausse de 18 % du nombre de personnes qui se présentent au permis de chasse depuis l’année dernière, et une augmentation de 40 % sur sept ans. « C’est complètement faux, cela ne repose sur aucune étude », selon Yves Verilhac. « Ce qui est vrai, c’est que de nombreux chasseurs qui avaient un permis départemental ou interdépartemental prennent un permis national puisque le prix a été divisé par deux. Toutefois, fin 2020, on comptait 984 000 permis, alors que les chasseurs en annonçaient 1 100 000 fin 2019. »

Pour le directeur de la LPO, la Fédération nationale des chasseurs gonflait les chiffres et ne peut plus le faire depuis que ces statistiques sont gérées par l’Office français de la biodiversité. Selon la Fondation François Sommer pour la chasse et la nature, « le vieillissement de la population française, plus particulièrement celui des effectifs des générations du baby-boom (nées entre 1942 et 1965) se traduira de la même manière pour les pratiquants de la chasse. En tendance, l’âge moyen des pratiquants continuera de croître fortement, même dans le cas d’un maintien du nombre des nouveaux permis de chasse, compte tenu de la pyramide des âges actuelle ». Ainsi, cette communauté « perd 20 à 40 000 chasseurs chaque année », conclut Yves Verilhac.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement se multiplient, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les dernières semaines de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela.

Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre ne dispose pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.

Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.

Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1 €. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.

Soutenir Reporterre

Abonnez-vous à la lettre d’info de Reporterre
Fermer Précedent Suivant

legende