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Sélection culturelle

Punk, éco-hameau, Guillaume Meurice... À lire, à voir cet hiver

L’actualité écologiste, c’est aussi la culture. Parmi cette nouvelle et riche sélection : le punk et la pensée écologique, la vie en communauté ou encore Guillaume Meurice et les delphinariums.

LIVRES

Penser avec le punk

Dans ce petit livre, différents auteurs se succèdent. Le but n’est pas d’« intellectualiser le punk », préviennent-ils, mais de s’interroger sur le rapport entre ce courant musical, ses adeptes et différents domaines philosophiques. Quel est le lien entre le punk rock et la pensée écologique ? De quelle manière des albums comme Liberal Animation (du groupe étasunien NOFX) ou Supporting Caste (du groupe canadien Propagandhi) ont-ils pris parti pour les droits des animaux et l’antispécisme ? En quelques pages, nous explorons ces « pratiques culturelles s’opposant à la culture dominante ». Un ouvrage qui donne envie de réécouter (ou de découvrir) certains classiques.

Penser avec le punk, de Catherine Guesde, aux éditions Puf, août 2022, 110 p., 9,50 euros.

Des paillettes sur le compost, écoféminismes au quotidien

Le terme « écoféminisme » est tantôt scandé par des manifestantes, tantôt invoqué par des personnalités politiques, ou encore mis en avant dans des essais. Mais que signifie ce mot qu’on entend à tout bout de champ, sans en comprendre réellement le sens ? La chercheuse en philosophie féministe Myriam Bahaffou propose de définir différents « écoféminismes » dans ce livre. À travers plusieurs situations du quotidien (un compliment de son partenaire, un rendez-vous chez l’esthéticienne, un repas végétarien au bistrot, etc.), un style cru et beaucoup d’autodérision, elle rend cette notion plus concrète, accessible à tous les publics. Pour ne pas « laisser le mot “écoféminismes” à des bourgeoises ».

Des paillettes sur le compost, écoféminismes au quotidien, de Myriam Bahaffou, aux éditions Le passager clandestin, octobre 2022, 208 p., 19 euros.

Plutôt nourrir, l’appel d’une éleveuse

C’est un ouvrage qui pourrait réconcilier les carnistes et les végétariens. Écrit à quatre mains, il nous plonge dans le quotidien de Noémie, éleveuse de porcs noirs. Après un parcours universitaire et professionnel classique (Sciences Po et carrière internationale), la jeune femme a bifurqué pour devenir éleveuse dans le Gers. Son camarade d’école Clément, « petit bobo blanc privilégié » et végétarien, tente de comprendre sa reconversion. Un récit sensible, où l’on suit les joies et les peines de cette jeune femme totalement étrangère au milieu agricole. On s’émeut de la naissance des petits porcelets. On s’indigne face à l’absurdité des normes qui étouffent les petits paysans. On s’inquiète de sa santé après ses centaines d’heures de travail pour un salaire de misère. On la suit dans l’atelier glacial où elle procède à la découpe des carcasses de ses animaux.

Les passages de son journal intime racontent sans filtre les difficultés auxquelles elle est confrontée, mais aussi ses joies d’une vie en plein air, où elle peut chaque jour exercer son œil « à la beauté du dehors, tâter le pouls de la nature en pleine mutation, toucher du doigt l’harmonie du paysage et nous enivrer de ciel et d’étoiles ».

Plutôt nourrir, l’appel d’une éleveuse, de Noémie Calais, Clément Osé, aux éditions Tana, septembre 2022, 256 p., 18,90 euros.

Héliosphéra, fille des abysses, d’amour et de plancton

D’abord, on suit Ollanta, une jeune scientifique qui embarque sur la goélette Tara pour étudier le plancton. Mais aussi un ballon en plastique rouge jeté quelque part dans les Hautes-Alpes. Et surtout, l’épopée de deux microorganismes, Héliosphéra et Xanthelle, à la recherche de la symbiose parfaite. À travers ce roman et ces trois destins, l’auteur Wilfried N’Sondé, qui a lui-même passé cinq semaines sur Tara au large des côtes chiliennes, nous fait découvrir le royaume du phytoplancton et du zooplancton, le mouvement perpétuel des courants océaniques et la combativité de milliards d’êtres invisibles aux yeux des humains. Une histoire d’amour pas banale qui déboussole et émerveille.

Héliosphéra, fille des abysses, d’amour et de plancton, de Wilfried N’Sondé, aux éditions Actes Sud, octobre 2022, 160 p., 18 euros.

En hiver

Avec ce deuxième volume du Quatuor des saisons, l’auteur norvégien nous emmène dans des forêts enneigées entendre le bruit des corbeaux et admirer le vol des chouettes. Marcher en forêt en hiver ou en été est une expérience différente. En hiver, « le croassement d’un corbeau [...] peut emplir l’air à lui seul ». Chaque chapitre est dédié à un mois entre décembre et février. S’adressant à sa future fille, l’auteur décrit son environnement en trouvant un style aussi simple qu’attentif — comme l’observation d’un bébé. Les courts sous-chapitres permettent de feuilleter le livre et de se perdre dans la beauté réaliste de la vie et la nature en hiver.

En hiver, de Karl Ove Knausgård, aux éditions Denoël, janvier 2022, 304 p., 22 euros.

Combien coûtent nos vies ?

La santé n’a pas de prix, dit-on. Vraiment ? Dans cette enquête, Pauline Londeix et Jérôme Martin dénoncent l’inscription de notre système de santé dans une économie de marché et leurs dérives associées. En une centaine de pages, l’ancienne vice-présidente et l’ex-président d’Act Up-Paris décortiquent la fabrique de nos médicaments. Ils racontent par exemple comment l’industrie pharmaceutique s’accapare les fruits de la recherche publique à des fins commerciales : de nombreuses molécules sont découvertes en recherche publique, développées par des start-up puis rachetées par les firmes qui en tirent profit. On découvre aussi comment les prix des médicaments sont fixés, et quel rapport de force se joue entre les firmes pharmaceutiques et les États. Tout ceci au détriment des patients. Une lecture éclairante.

Combien coûtent nos vies ? Enquête sur les politiques du médicament, de Pauline Londeix, Jérôme Martin, aux éditions 10/18, septembre 2022, 112 p., 6 euros.

BD

Le collectif, histoire de notre éco-hameau

Quand on cherche des témoignages de vie en communauté, on trouve souvent des récits édulcorés, ultra positifs, où tout est toujours rose. Pas de ça ici. Dans cette BD drôle et colorée, Samuel et Julie nous embarquent sans filtre au cœur de l’histoire de leur éco-hameau, dans le Lot. Au fil des cases, on suit avec délice la lente construction des bâtiments, la difficile gestion du potager partagé, la logistique de la vie à plusieurs, les multiples fêtes… Mais aussi les pleurs, les embrouilles et les séparations. Une bande dessinée qu’on lit d’une traite. Et qui titille, malgré tout, notre envie de se lancer dans une aventure similaire.

Le collectif, histoire de notre éco-hameau, de Samuel Wambre et Julie Feuillas, aux éditions Dupuis, septembre 2022, 216 p., 29,95 euros.

Fraude qui peut !

C’est l’histoire d’une petite association en lutte contre une technique diablement efficace : la pêche électrique. Dans cette bande dessinée, Sébastien Girard retrace le combat de Bloom — et en particulier de sa chargée de projet Laetitia Bisiaux — pour faire interdire cette méthode destructrice, pudiquement appelée « pêche au chalut à impulsion » par ses défenseurs. Page après page, on plonge dans les arcanes de la Commission européenne, décortiquant les techniques utilisées par les lobbies de la pêche industrielle pour protéger leurs intérêts. Une lecture qui permet de mieux comprendre la manière — pas toujours glorieuse — dont sont fixées les règles régissant la pêche au sein de l’Union européenne, et l’influence des industriels au sein de ses institutions. Cerise sur le maquereau : tous les droits d’auteur de Sébastien Girard sont reversés à Bloom.

Fraude qui peut ! Bloom face aux industriels de la pêche électrique, de Sébastien Girard, aux éditions Delachaux et Niestlé, octobre 2022, 80 p., 14,90 euros.

REVUES

Ces terres qui se défendent (Socialter)

Il ne faut plus appeler à « sauver la Terre », mais s’engager pour « sauver les terres ». Voici le message du dernier hors-série de Socialter baptisé « ces terres qui se défendent ». Au programme : des enquêtes, des reportages et des entretiens qui mettent à l’honneur le monde paysan. On retrace l’histoire de leur « extinction de masse » causée par l’agriculture industrielle. On lit une belle enquête sur les entrepreneurs de la tech et leur escalade technologique vers une agriculture toujours plus déconnectée du vivant. Et aussi un reportage dans le Vaucluse, où est née la « Zone à patates » contre le bétonnage des terres fertiles, ainsi qu’autour de Niort avec les mégabassines. À lire également, des entretiens avec la philosophe Isabelle Stengers ou encore la journaliste Lucile Leclair, autrice de Hold-up sur la terre, et de la géographe Flaminia Paddeu, spécialiste de l’agriculture urbaine.

Ces terres qui se défendent, hors série de Socialter, du collectif Reprises de terres, octobre 2022, 180 p., 19 euros.

À VOIR

Delphinariums : game over ?

Guillaume Meurice va-t-il sauver Willy ? Le célèbre humoriste, engagé de longue date dans la défense des cétacés, se met en scène dans un documentaire sur les delphinariums qui se veut « militant », mais « pas chiant ». On le suit incognito dans les coulisses du Marineland d’Antibes, le plus grand d’Europe, avec sa caméra cachée (où il manque de se faire attraper). On sourit lorsqu’il tente en vain d’obtenir un entretien avec le directeur du parc. On s’émeut avec lui du sort réservé aux dauphins du Parc Astérix qui ont été envoyés dans un delphinarium à Benidorm, en Espagne, où leurs conditions de vie ne se sont pas améliorées.

Barbara Pompili, l’ex-ministre de la Transition écologique, vient y défendre sa loi contre la maltraitance animale qui vise à interdire les spectacles de cétacés d’ici 2026. Que vont devenir les orques et les dauphins des parcs de l’Hexagone ? Seront-ils revendus à des delphinariums à l’étranger ? Seront-ils conservés à des « fins scientifiques » ? Les plus chanceux pourraient reprendre le large dans des sanctuaires, comme celui créé à Bali. « Peut-être que Guillaume Meurice pourrait proposer la création d’un sanctuaire dans les eaux françaises », a glissé Olivier Adam, bioacousticien spécialiste des cétacés, lors de la soirée de présentation du film. Un nouveau défi à relever pour l’humoriste engagé ?

Delphinariums : game over ?, de Guillaume Meurice, disponible sur Ushuaïa TV.

Severance

Lumon Industries est une entreprise très particulière : ses employés ont subi une opération chirurgicale de « dissociation ». Lorsqu’ils sont sur leur lieu de travail, ils n’ont aucun souvenir de leur vie personnelle. À l’inverse, une fois de retour chez eux, ils ne se rappellent pas en quoi consiste leur job, ni qui sont leurs collègues. L’expérience de Lumon se déroule sans encombre, jusqu’à ce qu’un ancien employé « restaure » tous ses souvenirs et tente d’alerter le reste du personnel sur la vraie nature de leur travail.

Dans cette première saison captivante, la série Severance nous fait nous interroger : quelle place le travail prend-il dans notre vie ? Peut-on travailler et rester libre ? Et bien sûr : en quoi consiste réellement l’inquiétant projet de Lumon Industries ? Cette série de science-fiction vaut le coup d’œil, ne serait-ce que pour le (magistral) dernier épisode de la saison : quarante-et-une minutes où vous serez tenus en haleine du début à la fin. Le tournage de la saison 2 est en cours.


Severance, série réalisée par Ben Stiller, diffusée sur AppleTV+ depuis février 2022.


À ÉCOUTER

Comme un poisson dans l’eau (podcast)

Qu’est-ce que le spécisme ? Faut-il manger de la viande pour être en bonne santé ? Comment le genre influence notre consommation d’animaux ? Antiracisme et antispécisme peuvent-ils s’allier ? Dans « Comme un poisson dans l’eau », à travers différents entretiens avec des militantes et militants et des chercheuses et chercheurs, l’animateur Victor Duran-Le Peuch explore toutes les dimensions de notre rapport aux animaux. Un podcast clair et accessible, quel que soit notre niveau de connaissances sur le sujet.


Comme un poisson dans l’eau, un podcast de Victor Duran-Le Peuch. Disponible sur toutes les plateformes d’écoute en ligne.

Les Cowboys Fringants (album)

Le groupe québécois Les Cowboys Fringants a sorti fin novembre un nouvel album : un concert capté en 2020 avec l’Orchestre symphonique de Montréal. On y retrouve leurs thèmes de prédilections et leurs titres emblématiques : critique du gouvernement québécois dans « En berne », dénonciation de l’exploitation des écosystèmes sur « 8 secondes », ou encore condamnation de la société moderne avec « Les vers de terre » et « Les maisons toutes pareilles ». La magnifique chanson « Plus rien » — qui raconte les dernières heures du dernier humain sur une Terre saccagée — est sublimée par les arrangements de l’orchestre symphonique. Frissons garantis.


Les Cowboys Fringants en concert avec l’orchestre symphonique de Montréal. Sous la direction du chef Simon Leclerc. Disponible sur toutes les plateformes d’écoute en ligne.

EXPO

La Vallée (Paris)

Un humain de terre et de boue, allongé sur une table, de petites plantes en jaillissent pendant que des bouffées sortent de la tête sans visage, finissant dans des seaux à l’eau. Voilà une des œuvres de Fabrice Hyber, exposées dans « La Vallée », à la Fondation Cartier à Paris. Inspirée par une forêt en Vendée, semée par l’artiste lui-même dans les années 1990 pour protéger ses terres d’enfance, l’exposition rassemble une monographie personnelle d’une soixantaine de tableaux en lien avec la nature. Assis à une table d’écolier, entourés de vidéos explicatives accessibles via des codes QR et des médiateurs sur place, cette visite nous remet dans la peau d’un élève de l’école d’art contemporain.



La Vallée, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 boulevard Raspail, 75014 Paris. Ouvert tous les jours de 11 à 20 heures, sauf le lundi.

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