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ÉditoLibertés

Il n’y a pas d’écologie sans justice

Le meurtre de George Floyd et l’embrasement de la colère aux États-Unis rappellent que le racisme se traduit également dans le champ écologique, les plus pauvres — souvent les non-blancs — étant les plus exposés à toutes les nuisances du « développement » économique.

Depuis une semaine, la révolte embrase les États-Unis. Le meurtre de George Floyd le 25 mai, lent, filmé, conscient, a été le crime de trop. Le crime qui s’ajoute aux 264 morts noirs tués par la police dans ce pays en 2019, aux vingt mille morts causés par le Sars-CoV-2 dans la communauté noire dans une proportion très supérieure à celle des autres communautés, aux 2,3 millions de Noirs emprisonnés dans une proportion cinq fois supérieure à celle des Blancs, au taux de pauvreté double de celui de la moyenne nationale. Le crime de trop qui témoigne du racisme systématique, continu, permanent, qui conjugue l’injustice avec le mépris de l’autre.

Ce racisme se traduit aussi dans le champ écologique. Car il y a un lien direct entre la couleur de peau, la pauvreté et l’exposition aux polluants, aux déchets dangereux, aux nuisances causées par un « développement » économique qui profite surtout aux plus riches. Pendant que la pandémie de Covid-19 faisait plonger des millions d’Étasuniens dans le chômage — comme George Floyd, qui a perdu son emploi de vigile dans un restaurant le jour où le confinement a été déclaré dans le Minnesota —, les milliardaires étasuniens ont vu leur pactole enfler de 282 nouveaux milliards de dollars.

C’est dans les régions ou les quartiers les plus pauvres du pays que se retrouvent les usines polluantes, les décharges toxiques, les centrales électriques. Au point que, dans les années 1980, le mouvement pour la justice environnementale, né aux États-Unis, a rapidement constaté qu’il existait un « racisme environnemental ». Le concept en a été inventé par la communauté noire, nous rappelle le leader afro-américain Kali Akuno, à partir du constat que les installations les plus toxiques étaient délibérément localisées dans les zones où vivaient des minorités non blanches (noirs, mais aussi autochtones ou latinos).

Le racisme environnemental se retrouve dans tous les pays occidentaux

Le changement climatique frappe aussi plus fortement les communautés les plus pauvres, comme cela était apparu nettement lors de la destruction de La Nouvelle-Orléans par l’ouragan Katrina en 2005. La Nouvelle-Orléans, la plus grande ville de Louisiane, comptait l’une des plus importantes populations noires du pays. Moins informés par l’État, moins préparés, moins évacués, plus pauvres, les Noirs ont payé le plus lourd tribut à l’ouragan et ont aussi été largement exclus lors de la reconstruction de la ville. Comme l’explique l’économiste Jean-Paul Vanderliden, « il y a eu un double effet de la pauvreté : une plus grande exposition par une quasi-incapacité à se retirer, et une dépossession des biens collectifs qu’ils avaient avant le passage de l’ouragan ».

L’injustice et le racisme environnementaux ne concernent bien sûr pas que les États-Unis. Ils se retrouvent dans de nombreux pays occidentaux, dont la France, tandis qu’à l’échelle mondiale, les pauvres sont à la fois les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre qui créent le changement climatique et les premières victimes de celui-ci.

Le racisme — l’idée qu’il existerait des différences essentielles entre les humains — a servi à légitimer le colonialisme, qui n’était autre qu’une appropriation violente des biens et richesses de régions occupées par d’autres cultures. Il continue à nourrir la violence de l’État contre les pauvres, condamnés à accepter une forme de relégation « dans les quartiers populaires » et à subir sans broncher des nuisances environnementales qui ne peuvent que s’accroître avec le changement climatique.

Ainsi, le processus fou qui vise à accumuler toujours plus de biens chez les uns au prix d’une prédation généralisée des ressources naturelles est consubstantiellement lié au mépris violent exercé à l’encontre de celles et ceux qu’on choisit d’exclure du gâteau ou que l’on exproprie purement et simplement. L’injustice porte en elle la destruction du monde comme elle vise la destruction de la dignité humaine. Il est urgent de clore le cycle de violence ouvert par l’avidité pour que la société trouve le chemin de la paix, une paix entre les humains comme entre les humains et les êtres vivants qui partagent la Terre avec eux. Sans justice, pas d’écologie.

Le meurtre de George Floyd, comme celui d’Adama Traoré, le 19 juillet 2016, et de tant d’autres sont ainsi les révélateurs d’une situation intolérable.

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