Rivasi, pollution à New Delhi, vertus de l’urine, démographie… l’Edito des lecteurs de Reporterre

Durée de lecture : 13 minutes
Culture et idéesVoici le courrier des lecteurs de Reporterre, une sélection des nombreux courriels que nous recevons tous les jours. Réactions à des articles, coups de cœur, coups de gueule, témoignages… cette tribune mensuelle vous est ouverte pour partager points de vue et idées. Merci de nous lire et de réagir !
Si vous souhaitez participer au courrier des lecteurs, n’hésitez pas à nous envoyer un courriel à planete (arobase) reporterre.net, en spécifiant [courrier des lecteurs] dans l’objet. À bientôt !
À propos de l’absence de commentaires sur Reporterre
Tout d’abord, je souhaite vous féliciter pour vos articles clairs et efficaces, toujours à la pointe de cette actualité écologique qui nous passionne.
Je trouve toutefois dommage que les articles ne soient pas ouverts aux commentaires, j’aurais parfois un peu d’eau à apporter au moulin. Mais je pense qu’il s’agit d’une politique éditoriale réfléchie ?
Olivier
- Reporterre — L’ouverture des commentaires est un débat récurrent chez Reporterre, il y a des « pour » et des « contre ». Mais, pour le moment, nous avons choisi de ne pas le faire, car la modération de ces contenus demande du temps et des moyens importants ! Nous avons donc préféré créer un courrier des lecteurs, où chacun peut s’exprimer de manière réfléchie. Et consacrer notre temps à la réalisation d’articles d’information.
Michèle Rivasi : « Il ne faut pas faire d’alliance avec le Parti socialiste »
Je lis votre entretien avec Michèle Rivasi, et je ne comprends pas bien votre intention. Lorsque l’on fait une interview orale, il y a un minimum de « mise en forme », pour remettre les phrases à l’écrit. Je trouve que c’est assez choquant que vous ne l’ayez pas fait, c’est à mon sens un manque de respect de l’interviewée. Cette transcription, visiblement littérale, n’est pas très élégante… Cela vous nuit et lui nuit aussi.
Anne
- Hervé Kempf, Reporterre — Voici comment cette interview s’est réalisée, sachant que Michèle Rivasi avait déjà pu exprimer ses idées sur Reporterre, comme les autres candidats à la primaire écologiste et que nous l’avons plusieurs fois interviewée dans le passé. J’ai proposé à Michèle Rivasi et à Yannick Jadot de répondre dans les mêmes conditions aux mêmes questions : ce serait un entretien par téléphone (les agendas des deux candidats sont très chargés) et court (une dizaine de minutes). Les propos étant enregistrés sur un magnétophone, j’ai ensuite fait le travail que nous faisons pour tous les entretiens : décrypter très précisément, mot à mot. Pourquoi ? Pour rester au plus près des paroles et des idées de l’interviewé. Ensuite, on travaille le texte pour le nettoyer des « euh », des incorrections, des hésitations, et autres, qui parsèment naturellement le langage parlé. On refait les phrases proprement s’il est besoin, et on rassemble parfois des idées, au cas où elles sont répétées en diverses réponses. Tout ce travail se fait dans le souci de respecter la parole de la personne interviewée, notamment parce qu’il s’agit de bien transmettre ce qu’elle dit, de le donner à entendre. En l’occurrence, il y a eu toute cette mise en forme, et ce que nous avons publié, et que je vous invite à relire posément, est bien l’expression de l’approche de Mme Rivasi sur les sujets abordés. Mais il n’est pas possible de réécrire complètement les propos pour « les arranger », parce qu’on risquerait d’être dans une interprétation qui s’éloignerait trop des idées de la personne interviewée.
Dans les chaines bio, les fruits et légumes sont-ils toujours écolo ? Pas si simple
J’ai participé au démarrage des coopératives de produits bio il y a plus de 30 ans, qui n’avaient rien à voir avec les magasins actuels. Ces pionniers rêvaient d’un autre rapport à l’alimentation, aux paysans, à la consommation. Puis, j’ai connu le passage vers le modèle supermarché, avec à mon avis une perte substantielle du côté de l’éthique originelle.
Car dans ces nouveaux magasins bio, on retrouve des produits à contre-saison au lourd bilan carbone, voire des produits de saison venus d’Espagne ou d’Italie alors que le producteur local s’était fait refuser les mêmes produits, sans parler de marges parfois indécentes et du turn over des salariés. Quand je m’indigne auprès de ces enseignes « éthiques », la réponse est toujours la même, « merci pour vos informations, mais chaque magasin à ses propres marges de choix, de contractualisation et puis, c’est le client qui décide en définitive ».
Je regarde les 30 ans de mon engagement envers la bio avec un brin d’amertume… Mais aujourd’hui, en tant que paysan, je suis aux commandes ! Nous avons mis en place de la vente directe à la ferme et des circuits courts, et ça marche ! Un mouvement de fond se dessine… Au-delà du bio (devenu une marque, comme les autres), l’enjeu est de renouer avec des relations de confiance, de proximité, une forme de sociabilité. La marque bio ne garantit rien de tout cela, la marque bio en magasin bio, encore moins !
Christophe, agriculteur bio
Argile, bouse de vache et décoction de prêle : un badigeon pour soigner le pêcher
A propos de la cloque provoquée par le champignon Taphrina deformans : l’Inra de Bordeaux a travaillé pendant un moment sur l’urée pour combattre la cloque. À ce jour, aucun produit naturel ou chimique n’a d’effet curatif en dehors de l’urine humaine. Mais cette découverte n’intéresse personne, car elle permet aux jardiniers d’être autonomes…
Christophe
- Reporterre — L’urine a en effet bien des vertus méconnues ! Voici un livre pour découvrir cet « or liquide ».
À propos de la démographie
On a beau vouloir lutter contre le changement climatique, on ne réglera rien tant qu’on ne se penchera pas sur le problème de la surpopulation apportant surproduction, surconsommation et entraînant une « surpollution ».
Après l’Asie, l’Afrique emboîte le même pas… et même si les pays riches entraient enfin dans une phase de sobriété, ça ne suffirait pas ! Il ne faut donc pas occulter ce sujet, et organiser une conférence internationale sur la démographie !
Alexandre
- Reporterre — Les données actuelles sur le changement climatique confirment l’importance relative du facteur population dans la réalité des perturbations. Pays les plus peuplés du monde, l’Inde et la Chine restent encore loin derrière les États-Unis ou l’Union européenne concernant les émissions équivalent CO2 par tête. Les modes de production et de consommation semblent aggraver le réchauffement climatique, bien plus que la démographie. Un abaissement des émissions des habitants des pays les plus riches, donc une plus grande égalité mondiale, aurait ainsi un effet crucial sur le niveau global des émissions. À lire : « Trop d’humains sur Terre ? Le retour de la question démographique ».
On a cherché la contraception écolo - et on l’a presque trouvée
Je me permets de réagir à la phrase suivante : « Comme le catholicisme qui prohibe préservatif et contraception chimique et prône entre autres la méthode Billings. » Je n’ai pour l’instant jamais lu dans les textes officiels de l’Église catholique romaine (pour être précis) de mention de « Billings ». Les textes mentionnent des « méthodes naturelles » pour une « régulation ou espacement des naissances ». L’Église catholique ne prend pas parti pour une méthode, ce n’est pas son terrain d’expertise.
Pour une catholique et pour usage médical (régulation de taux d’hormones extrêmes par exemple), il est tout à fait licite d’utiliser la pilule. Comme il peut être tout à fait licite d’utiliser un préservatif (prévention des MST, par exemple). Il y a malheureusement de grands quiproquos sur ces questions très sensibles, et il n’est pas juste d’écrire que l’Église « prohibe », « interdit » telle ou telle pratique.
Ces considérations se situent sur le terrain de l’éthique et s’éloignent un peu du sujet initial de l’article, mais sont indispensables pour comprendre la position de l’Église catholique.
Arthur
- Reporterre — Peut-être aurait-il fallu écrire « clergé » plutôt que « Église » ? Nous avons précisé « entre autres » la méthode Billings, car il s’agissait avant tout de donner un exemple des méthodes dites « naturelles », et il est apparu, lors des entretiens et de nos recherches, que celle-ci était la plus citée. C’est pour cela qu’elle s’est retrouvée mise en avant, un peu malgré elle sans doute !
Dans le Lot, les clowns cultivent le bonheur communal brut
Des clowns qui cultivent le bonheur communal, voilà le genre d’info qui me met en joie à l’heure où j’aurais quelques raisons de désespérer du genre humain.
À ma connaissance, cette initiative n’a été reprise par aucun des candidats aux primaires (tous partis confondus), ce qui tend à prouver que ces gens ne sont pas sérieux… Personnellement, je propose de financer cette mesure de salubrité publique localement par l’instauration d’un péage à l’entrée des parkings de nos supermarchés, par la revente des caméras de surveillance… ou, à défaut, par un « clownfunding » à l’échelle locale.
Christian
La part du colibri
En tant que sportif de haut niveau et coach professionnel, j’ai découvert un monde drogué à l’intensité émotionnelle, apeuré par son propre manque et vide existentiel. Peu à peu, sans trop m’en rendre compte, j’ai perdu ma foi dans la beauté de l’être humain et ma joie de vivre. La société actuelle, obnubilée par la notion de performance, qui considère trop souvent la nature et l’être humain comme une simple ressource à exploiter, avait de moins en moins de sens pour moi.
La philosophie de Sepp Holzer, précurseur en permaculture, ainsi que les valeurs de l’agroécologie de Pierre Rabhi ont rallumé ma flamme. Tout simplement parce qu’elles refusent le combat incessant contre la nature, contre notre nature, cette envie de notre ego de dominer et de maîtriser le mystère de la vie. Elles refusent la pression constante de devoir être productif à tout moment et nous enseignent comment prendre soin de soi et des autres afin qu’une graine devienne un arbre capable d’endurer les éléments sans se briser au premier coup de vent.
J’ai donc décidé de fonder Ecosia France, un moteur de recherche qui investit 80 % de son bénéfice dans la reforestation de la planète. C’est ma petite graine !
Ferdinand
Le Ceta et la Wallonie
Je suis choqué, en tant que Wallon, de la manière dont a été relayé l’épisode « Ceta et Wallonie » en France : souvent de manière méprisante. Or, bien des opposants wallons au Ceta reconnaissent que, grâce à cet épisode, les lignes européennes ont réellement bougé. Et malgré l’abandon du non et l’adoption du Ceta, il y a eu un travail au long cours mené notamment par le député Stéphane Hazée, qui a permis une analyse fouillée du traité par le Parlement wallon.
Le monde politique franco-français a pour sa part complètement raté le coche. Mais, comme il n’est jamais trop tard, les parlementaires pourraient, à l’instar de leurs collègues wallons, commencer un travail d’analyse sérieux sur les traités commerciaux internationaux et leurs conséquences. Cela commencerait peut-être aussi à les réconcilier avec l’opinion publique française. Croisons les doigts.
Louis
- Reporterre — Nous croisons aussi les doigts, et en attendant, nous continuerons à vous informer le mieux possible sur ces traités de libre-échange. Notre dossier sur le sujet est ici, incluant notamment la du remarquable discours du ministre président wallon, Paul Magnette.
Un bonjour très pollué de Delhi
Même à plus de 6.500 km de Paris, difficile de se passer de la lecture de Reporterre… Cette fois, c’est à mon tour de partager une triste nouvelle, comme vous l’avez mentionné sur votre site à travers une brève.
Depuis une dizaine de jours, la pollution à Delhi atteint des records, tous les indicateurs sont au rouge. Certains experts parlent de pollution record depuis 2012. D’autres, des témoignages recueillis par des habitants, affirment qu’ils n’ont jamais vu ça.
Les médias locaux évoquent deux principales causes. La première est la célébration de la fête de Diwali (l’équivalent de la période de Noël en Europe) du 27 octobre au 1 novembre. En effet, à cette occasion une quantité astronomique de pétards a été jetée dans l’air. À titre d’exemple, le dimanche 3 novembre au soir, (date où ont été prises les photos), il était impossible de voir à plus de cinq mètres tant la pollution était impressionnante. Célébration et protection de l’environnement ne sont ici pas synonymes. Dommage, car cette pollution vient entacher la magnifique atmosphère autour de cette fête.
La deuxième, un peu moins mise en avant, est que des paysans des villes entourant Delhi profitent de contrôles moins stricts et moins fréquents pour brûler leurs déchets. Dans les deux cas, l’action conjuguée de ces facteurs rend l’air de Delhi difficilement irrespirable… L’odeur, quant à elle, est étrange, indescriptible et franchement nauséabonde, quoiqu’elle commence à s’atténuer.
« Masques », « mal de gorge », « fatigue », « rester chez soi », « éviter de rester longtemps dehors », « problème de sommeil » sont les expressions qui sortent de toutes les bouches. New Delhi, ville habituellement connue pour son brouhaha permanent et son trafic routier terrifiant, est presque devenue une ville calme.
Fred
Les peuples d’ailleurs, boussole d’un Occident égaré
L’objet du livre présenté dans votre tribune est de proposer des pistes pour « garder l’essence » des cultures racinaires et « trouver des formes adaptées à notre culture », comme le dit Maud Séjournant.
Il me semble qu’un élément fondamental de cette réponse se trouve dans nos langues. La France notamment est riche d’une grande diversité linguistique. Malheureusement, la plupart de ces langues endémiques sont en voies d’extinction, tout comme la biodiversité est menacée.
Vous êtes, à Reporterre, bien conscients que la dégradation de la nature n’est pas une fatalité, mais que c’est le résultat de choix de sociétés. Il en est de même pour la diversité linguistique.
La monoculture est néfaste pour l’environnement. La disparition de nos langues « régionales » conduit également à affaiblir nos liens à nos territoires, la compréhension des noms de lieux, d’histoires et de chants locaux porteurs de sens, notre capacité à parler plusieurs langues et à en apprendre d’autres d’autant plus facilement qu’on est bilingue dès l’enfance…
Espérons que l’on sache faire vivre les langues qui existent encore dans de nombreux endroits en France, avant que les « hommes rouges » nous expliquent qu’il ne fallait pas abandonner ce trésor.
Divi