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ÉditoCulture et idées

Un référendum ? Plutôt la 6e République

Le mouvement émancipateur et écologiste ne doit pas se laisser diviser par le référendum de M. Macron. Il doit plutôt affirmer nettement, et dans l’unité, la nécessité d’une 6e République écologique, démocratique et sociale.

M. Macron, président de la République, a annoncé son intention de tenir un référendum, visant à introduire dans l’article 1 de la Constitution de la 5e République la phrase suivante : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique. »

Si elle répond à une demande des citoyens conventionnels, l’annonce apparait surtout comme un moyen de focaliser la lumière médiatique sur un point. On rejette ainsi dans l’ombre toutes les mesures refusées par le président de la République : pas d’obligation d’isolation thermique des bâtiments, pas d’interdiction des véhicules polluants
, pas de régulation de la publicité sur les SUV et les produits climaticides
, pas de remise en cause du Ceta [1], pas de moratoire sur la 5G, pas d’objectif de zéro artificialisation, etc. Plus largement, le référendum permettrait d’occulter le bilan très négatif des gouvernements de M. Macron sur le plan écologique : échec sur la rénovation énergétique, autorisation des pesticides tels que les néonicotinoïdes, poursuite rapide de l’artificialisation des sols, détricotage du droit de l’environnement, incapacité à respecter les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, etc.

Mais de tout cela, M. Macron n’a cure. L’objectif de la manœuvre référendaire est d’attirer l’attention vers les mots plus que vers les faits, et de diviser la gauche et les écologistes en les plaçant devant un choix impossible : comment refuser une mention louable sans accréditer une politique environnementale désastreuse ? Le travail de sape est déjà réussi : Yannick Jadot « fera campagne pour le oui », David Cormand et Karima Delli — qui évoque une « grosse ficelle » — sont plus que réservés, Ségolène Royal juge le geste « inutile », Jean-Luc Mélenchon dit non. M. Macron vise aussi à désorienter Les Républicains, dont les convictions écologistes sont à géométrie très variable.

La cacophonie est assurée, M. Macron est content de son petit coup, et pendant ce temps, le désastre écologique se poursuit.

L’utilité de cet ajout à la Constitution, isolé de toute politique environnementale conséquente, est au demeurant douteuse. Outre le fait qu’on va se disputer sur les mots plutôt que d’agir, la Constitution intègre déjà une Charte de l’environnement dans son préambule, sur laquelle le Conseil constitutionnel peut s’appuyer pour défendre des positions favorables à l’environnement, comme il l’a fait en janvier 2020 à propos d’exportation de pesticides. De surcroît, le gouvernement dispose largement de moyens d’agir qui ne dépendent pas de trois mots dans la Constitution : pour ne prendre qu’un exemple — celui, crucial, de la rénovation énergétique —, rien ne bloque l’action sinon la volonté politique.

Vive la 6e République !

Mais surtout, il convient de déplacer le cadre. Après tout, que vaut cette Constitution usée, conçue dans des conditions extraordinaires (le désordre politique qui régnait en 1958 durant la guerre d’Algérie) et à la mesure d’un homme, Charles de Gaulle, dont ce n’est faire injure à personne de dire que les actuels politiciens n’ont pas l’ampleur. Son vice interne — trop de pouvoir au Président — a de surcroît été aggravé par la réforme qui a conduit en 2002 à placer la tenue des élections législatives dans la foulée de celle de la présidentielle : le président se voit ainsi presque mécaniquement doté d’une majorité à l’Assemblée nationale, qui lui permet de faire à peu près tout ce qu’il veut. Sa liberté est de surcroît encore étendue quand, comme dans la situation oligarchique actuelle, les dirigeants de l’économie et les médias qui leur appartiennent le soutiennent.

M. Macron applique donc sans quasiment de contre-pouvoir institutionnel sa politique néolibérale et une poursuite du recul sidérant des libertés publiques — des libertés bien mal protégées, au demeurant, par une Constitution qui affirme pourtant dans son préambule « son attachement aux droits de l’Homme ». La Constitution de la 5e République devient un bréviaire du despotisme.

Fresque en faveur de la nouvelle Constitution chilienne.

En fait, plutôt que d’accepter un débat destructeur sur une réforme cosmétique de texte constitutionnel, il faut affirmer la nécessité de son remplacement par une nouvelle Constitution pour une 6e République, démocratique, sociale et écologique. C’est un des points sur lesquels tout le mouvement émancipateur et écologiste pourrait se retrouver, puisque aussi bien Europe Écologie-Les Verts que La France insoumise défendent cet objectif dans leurs programmes.

Et l’on pourrait même y associer la population, comme au Chili, où le peuple a voté dernièrement le principe d’une nouvelle Constitution écrite par une Assemblée citoyenne.

La Convention citoyenne pour le climat vous a plu ? Place à la Convention citoyenne pour la Constitution de la République écologique !

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