Les neuf nouvelles réjouissantes de l’écologie en 2022

- © Juliette de Montvallon / Reporterre
- © Juliette de Montvallon / Reporterre
Durée de lecture : 9 minutes
Luttes AlternativesSabotage, alliance des luttes, jardins sauvés, trains de nuit de retour... Voici neuf nouvelles réjouissantes qui ont marqué 2022.
Guerre, incendie, sécheresse… 2022 ne nous aura rien épargné. Au milieu du marasme politique et du chaos climatique, l’écologie a pourtant marqué des points. Des luttes victorieuses, des mesures ambitieuses, un renouveau militant… Pour finir l’année en beauté, Reporterre vous détaille neuf bonnes nouvelles, à glisser sous le sapin.
1 — Les Jardins d’Aubervilliers sauvés

Des courgettes plutôt que des athlètes. La nouvelle est tombée le 14 mars : la ville d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, a renoncé à construire l’extension de la piscine, censée servir de lieu d’entraînement pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Un projet vivement contesté, car censé être construit sur dix-neuf parcelles de jardins. Soit 4 000 m2 de végétation, écrin de verdure dans cette zone très urbanisée.
C’est le fruit d’une lutte de deux ans menée avec détermination par les habitants et usagers des potagers. Les jardins ont été occupés — puis expulsés —, le chantier bloqué, des recours déposés devant la justice. Finalement, début mars, la cour d’appel a suspendu les travaux. Trop tard pour les terres, saccagées par les pelleteuses. Mais la mairie s’est engagée à les « remettre en état ».
Cet automne, nouveau succès juridique : les huit militants accusés d’entrave à travaux publics ont été relaxés.
2 — Les luttes s’organisent

L’union fait la force. Et les groupes en lutte l’ont compris. En 2022, les rencontres nationales, coordinations et autres convergences se sont multipliées. C’est notamment l’objectif de Terre de luttes, une association lancée pour créer des synergies entre collectifs. « Il faut faire en sorte que ces luttes ne soient pas isolées au niveau local, car quasiment toutes se heurtent à des politiques et à des enjeux nationaux », nous expliquait Victor Vauquois.
Message reçu. Dès mars, plus de quarante organisations ont participé à la Rencontre nationale des luttes forestières dans les Hautes-Pyrénées. L’enjeu : s’organiser pour lutter contre l’industrialisation des forêts. Puis en avril, les premières Assises nationales des jardins populaires en lutte se sont tenues à Besançon. En mai, des dizaines de collectifs se sont réunis à Montpellier pour poser les bases d’une coalition contre les projets routiers. Cet été, les retrouvailles ont eu lieu à Notre-Dame-des-Landes. Enfin, en octobre, celles et ceux s’opposant aux fermes-usines se sont retrouvés en Bretagne.
Outre ces temps de réunion, des liens se sont tissés lors de journées d’action communes, comme en avril, au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron. Et surtout lors des « manifest’actions » contre les mégabassines dans les Deux-Sèvres. Hasta la victoria.
3 — Amazon recule

Coup de frein à l’empire Amazon en France. Fin mars, l’entreprise a annoncé renoncer à son entrepôt près de Rouen. Une victoire pour les opposants normands, qui s’inquiétaient de la surconsommation renforcée par le modèle Amazon, de la disparition des commerces locaux, et de la pollution provoquée par 2 200 véhicules supplémentaires déversés chaque jour sur les routes.
Quelques jours plus tard, rebelote : la justice a annulé le permis de construire d’un entrepôt près de Belfort. En tout, cinq projets du géant du e-commerce ont été abandonnés en deux ans. Mais la multinationale ne renonce pas pour autant et cherche d’autres terrains.
Amazon a aussi été confronté à de premières grèves et mouvements sociaux d’ampleur : en France, plus d’un millier de salariés ont débrayé début avril afin d’obtenir une hausse des salaires.
4 — La papeterie de la Chapelle Darblay reprise

En mai, la métropole de Rouen a racheté l’usine de la Chapelle Darblay de Grand-Couronne. Depuis plusieurs années, les salariés se battaient pour la survie du dernier site français à même de fabriquer du papier journal et d’emballage 100 % recyclé. Celle-ci avait été fermée en 2020 après quatre-vingt-dix années de fabrication de papier journal.
1 000 jours de lutte pour sauver cette usine et les emplois des 217 salariés. Un combat mené par les travailleurs, soutenus par des écologistes et des syndicats, jusque dans les bureaux du ministère de l’Économie.
5 — Le retour du train de nuit

Bonne nouvelle pour les amateurs de couchettes : le gouvernement a annoncé la relance du train de nuit reliant Paris à Aurillac, dans le Massif central. Cette ligne, abandonnée en 2003, devrait rouvrir fin 2023. Une première victoire pour les associations d’usagers, qui espèrent la réouverture d’autres lignes.
En France, les trains de nuit reviennent de loin. En 2017, il ne restait que deux lignes nocturnes en France : Paris-Toulouse/Rodez-Albi/Latour-de-Carol et Paris-Briançon. Depuis, ont été relancées les lignes Paris-Cerbère-Port-Bou en 2017, Paris-Nice en 2021 et Paris-Tarbes-Lourdes en 2022, avec prolongement vers Hendaye cet été.
Ailleurs en Europe, le ferroviaire longue distance renaît à grande vitesse. Un TGV reliant Paris à Berlin devrait être sur les rails fin 2023. Outre-Rhin, nos voisins ont également testé — et approuvé — le ticket unique à 9 euros dans les transports en commun.
6 — Dans le monde, des changements politiques de bonne augure

Il n’y a pas qu’en France qu’on a voté cette année. En Australie, le parti travailliste (centre-gauche) a retrouvé le pouvoir en mai. Le candidat progressiste Anthony Albanese — nouveau Premier ministre — a remplacé le climatosceptique Scott Morrison, dont l’inaction face au changement climatique était largement critiquée par les Australiens.
Après dix ans de léthargie, le Parlement a ensuite voté sa première loi climat. Aux États-Unis, débarrassés de Donald Trump, un grand plan climat a également été adopté : 369 milliards de dollars (363 milliards d’euros) pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici à 2030.
En Colombie, Gustavo Petro est devenu le premier président de gauche de l’histoire du pays, avec sa vice-présidente Francia Marquez, leadeuse afrocolombienne et écologiste. Au Brésil, la victoire de Lula a soulagé les défenseurs de l’environnement et de la justice sociale.
Malheureusement, d’autres scrutins ont résonné comme des défaites pour l’écologie. Les Chiliens ont ainsi rejeté une nouvelle Constitution progressiste, féministe, écologique et sociale. En Italie, l’extrême droite climaticide est arrivée au pouvoir.
7 — Soupes, canoë, outils : les nouveaux instruments de la lutte écolo

Après deux ans en sourdine pour cause de crise sanitaire, le mouvement écolo est revenu en force — et avec de nouvelles idées. De nouvelles manières d’occuper ou de bloquer sont (ré)apparues. En juin, le grimpeur-arboriste Thomas Brail s’est perché dans l’un des platanes proche de la tour Eiffel, pour empêcher son abattage, avec succès. À Marseille, des militants ont bloqué des paquebots de croisière… en canoë. Aux rames citoyens !
Le collectif Dernière rénovation a interrompu des événements sportifs, comme le tournoi de Roland-Garros ou le Tour de France, pour réclamer un plan massif de rénovation des logements. Partout en Europe, des activistes ont jeté soupe, purée de poix et autres liquides sur des œuvres d’art — sans pour autant les endommager : ces actions très médiatiques n’ont pas manqué de susciter le débat.
Enfin, l’année 2022 a marqué le retour du sabotage. Pneus de SUV dégonflés, golfs rebouchés, bassines débâchées. « On tend de plus en plus vers une écologie de la conflictualité », observe le sociologue Manuel Cervera-Marzal, qui voit dans le développement actuel du sabotage « une forme renouvelée de désobéissance civile ».
8 — La Montagne d’or abandonnée

Clap de fin pour la Montagne d’or en Guyane. Le Conseil constitutionnel puis le Conseil d’État ont tour à tour enterré ce projet minier, qui entendait exploiter 80 tonnes d’or en creusant une fosse de 2,5 kilomètres de long et en recourant à la cyanuration dans la forêt guyanaise, à proximité immédiate d’une réserve biologique.
Les juges ont ouvert la voie juridique pour mettre fin aux concessions minières. Charge désormais au gouvernement de stopper définitivement la Montagne d’or. La ruée vers l’or en Guyane a décimé la faune locale, ont averti des scientifiques.
9 — La France sort du traité sur l’énergie
Emmanuel Macron a annoncé fin octobre que la France allait se retirer du Traité sur la charte de l’énergie (TCE). Ce texte, entré en vigueur en 1998, permet aux entreprises de poursuivre les pays qui modifient leur politique énergétique si elles estiment que cela menace leurs intérêts financiers. Il est actuellement signé par cinquante-deux pays.
L’Espagne, la Pologne et les Pays-Bas avaient annoncé plus tôt leur volonté de se retirer du traité. L’Allemagne nous a également emboîté le pas. Le traité a donc du plomb dans l’aile, et c’est tant mieux.
Le traité contient toutefois une clause qui prévoit que n’importe quel pays qui se retire reste sujet à des litiges pendant vingt ans. Sauf si les États membres de l’UE décident de sortir tous ensemble du traité, et de ne pas appliquer cette clause. Reste à voir s’ils réussiront à se mettre d’accord.